dimanche 24 novembre 2013

L'antre de la Pythie


Il existe un feu plus petit, qui brûle perpétuellement à l'intérieur du temple, sur l'autel d'Hestia. Il est entretenu avec du bois de sapin et des branches de laurier. On utilise le soleil, symbole d'Apollon, et un miroir parabolique en bronze pour le rallumer quand il s'éteint par accident. Je me souviens du soin avec lequel nous avions essayé de garder vivante la flamme de nos cierges la nuit de Pâques, en revenant chez Théodoris. L'intérieur du temple est plutôt obscur. Il est éclairé essentiellement par l'ouverture de la porte, comme les églises. La Pythie officie au fond de la salle, dans sa partie la plus sombre. Elle est installée dans un petit espace carré, profond d'un mètre environ, inaccessible au public, appelé adyton. Nous ne savons pas si elle est visible au moment où elle accomplit son devoir. Il se peut que l'adyton soit protégé par une cloison comme celle qui isole le sanctuaire dans les églises orientales. Je suppose que les gens circulent sans faire de bruit dans le temple, que le clair-obscur impose un certain silence. J'ignore si leurs vêtements sont pourvus de poches et quel genre de petits objets ils peuvent porter sur eux. Les murs sont ornés d'armes consacrées à Apollon. Hérodote raconte qu'elles se sont décrochées toutes seules et se sont placées en position de combat pour défendre le sanctuaire contre les soldats perses. […]
 On n'a retrouvé aucun des piliers qui étaient placés des deux côtés de la porte d'entrée. On ignore quelles maximes, en dehors des deux que j'ai mentionnées - « Rien de trop », « Connais-toi toi-même » - y figuraient. Ni l'epsilon archaïque en bois, ni ceux en bronze et en or, offerts par les Athéniens et les Romains, n'ont été conservés.
Vassilis ALEXAKIS, La Langue maternelle, Fayard, 1995

dimanche 10 novembre 2013

Achéens et Troyens

Je constate qu'il est peu probable que l'epsilon de Delphes désigne les Hellènes. Ce n'est qu'à partir du VIe siècle av. J.-C. qu'ils ont commencé à se nommer ainsi. Pour Homère, l'Hellade n'est qu'une partie de la Thessalie. Il note que la région est « calligyne », riche en belles femmes.
Quant aux Grecs, il les appelle généralement Achéens ou Danaens. Ils s'entendent parfaitement avec les Troyens, je veux dire qu'ils parlent vraisemblablement la même langue. On ne voit intervenir à aucun moment des interprètes. Les négociations entre Achéens et Troyens se font en grec, et c'est encore en grec qu’Hélène converse avec Pâris et Priam. Le poète fait remarquer que certains parmi les alliés des Troyens s'expriment dans une langue barbare. Si les Troyens eux-mêmes étaient « barbarophones », il ne fait pas de doute qu'il nous le dirait. J'avoue que j'ai été assez surpris en découvrant qu'Hector et ses compagnons parlaient le grec. Mes professeurs décrivaient systématiquement les ennemis des Hellènes comme des êtres cruels et incultes.
Les Troyens n'étaient donc pas tout à fait des étrangers comme je le croyais, ils bénéficient d'ailleurs du soutien d'Apollon. Aphrodite, elle, accorde son appui à la belle Hélène. Quant à Zeus, il hésite, il a du mal à choisir entre les Grecs et les Troyens, il laisse les belligérants se débrouiller tout seuls.
Vassilis ALEXAKIS, La Langue maternelle, Fayard, 1995